Dans une démarche de consommer toujours plus local, nous sommes partis à la rencontre de la Compagnie de Bouteville, une entreprise charentaise reprise en 2014 par Lionel Sack, un allemand au cœur charentais.
De l’Italie à la Charente
L’histoire démarre dans les années 90 lorsque le gendre de Jacques Buffet, un italien originaire de Modène, lui raconte le procédé de fabrication du vinaigre balsamique, ce moût de raisin vieilli en fût de chêne pendant une dizaine d’années. À cette époque-là le marché japonais, alors premier importateur de cognac au monde, s’effondre ; les viticulteurs sont contraints de jeter le surplus de production. Jacques tente alors l’aventure et essaie de développer un vinaigre made in Charente sur inspiration italienne. C’est le début du Baume de Bouteville.
L’aventure aurait pu rester confidentielle sans l’arrivée de Lionel, petit-fils de viticulteur à Segonzac, aujourd’hui gérant associé. De père allemand et de mère charentaise, Lionel quitte son Allemagne natale pour s’installer dans la région, où il a passé une grande partie de ses vacances étant enfant. Il rachète l’entreprise de Jacques, ami de son grand-père, en 2014 et poursuit le travail auprès des Chefs, de plus en plus adeptes du produit.
Un processus artisanal
Sur une dynamique locale, il récupère le moût de raisins de vignerons voisins pour faire ses vinaigres et ses balsamiques. “C’est le sol calcaire présent ici qui donne tout son potentiel de vieillissement au raisin qu’on utilise. Il y a quatre-vingt millions d’années il y avait un océan sur ces terres. En se retirant les crustacés se sont déposés sur le sol créant une couche calcaire. Même lorsqu’il ne pleut pas, la vigne puise dans ces sédiments tout ce dont elle a besoin” nous explique Inès, en charge des visites sur le domaine.
Sujet à des quotas, Lionel et son équipe récupèrent le moût des raisins Ugni Blancs qui ne serviront pas à la fabrication du cognac. “Nous utilisons exclusivement du moût de raisin Ugni Blanc issus de Grande Champagne. C’est le sol calcaire présent ici qui donne tout son potentiel de vieillissement au raisin qu’on utilise” nous explique Aurélie, responsable commerciale.
Transféré dans de grandes marmites en cuivre, anciens alambics charentais auxquels on a ôté la tête, ce moût est chauffé pendant vingt-quatre à quarante-huit heures à 79°C maximum. “Nous chauffons le moût avant la fermentation pour en faire une réduction et permettre une concentration en sucre.” Le moût y est ensuite brassé à l’aide d’une grande spatule en bois avant d’être transféré dans de petites cuves en inox hermétiques.
Dans ces cuves en inox hermétiques, là encore, la fermentation est évitée. Le moût décantera quelques semaines, jusqu’en décembre, le temps de faire redescendre sa température et de laisser les “gravelles” (dépôts) se déposer au fond de la cuve. “Cette étape est importante car nous filtrons peu” précise Aurélie.
À l’arrivée du printemps, le moût est réparti dans différentes barriques.
Ce qui donnera le vinaigre gastronomique vieilli dans de petits fûts en bois d’acacia pour Le Végétal, en bois de chêne pour L’Original et en bois de chêne français à forte chauffe pour Le Fumé. Quand Le Végétal habille les crudités et les crustacés avec ses notes d’artichaut, L’Original égaye vos salades avec ses saveurs citronnées et le Fumé sublime des huîtres comme une grillade.
Pour les balsamiques, le moût restant part en fût de cognac pour y séjourner quelques années (parfois plus de 10 ans). C’est alors que le travail du maître de chais s’exprime. Les jus sont régulièrement goûtés pour être assemblés au meilleur moment. “Ce qui fait la qualité de nos balsamiques c’est le chêne, l’oxygène, le terroir et le temps” nous précise Jean-Charles Dignac, maître de chais. Les fûts de cognac donnent toutes leurs saveurs aux baumes, “on cherche à garder la mémoire de la barrique”. Le Baume de Bouteville propose aujourd’hui deux balsamiques, prisés par les Chefs et les fines bouches : le N°06 et le N°10, dont l’âge moyen des vinaigres est respectivement de 6 et 10 ans, sont utilisés pour déglacer des viandes ou encore sublimer un homard, une soupe, un dessert ou encore un cocktail en véritable exhausteur de goût.
Plus jamais vous ne verrez votre assaisonnement du même œil. Goûter c’est l’adopter !
*Le terme de balsamique est en fait générique car seul le vinaigre balsamique de Modène a le droit à l’appellation.
4 avril 2022 / Florence Dupin