“Il y a beaucoup d’essais. Mais une fois que la recette est trouvée elle est souvent bien encrée et elle va nous servir sur des années. Et elle va être passée à nos collaborateurs qui eux-mêmes la referont donc c’est pas du tout du temps perdu, ce n’est pas inutile de persévérer dans cette quête. Ça peut être un producteur qui vient taper à la porte quand on cherche de l’inspiration […] C’est des rencontres, des gens, des projets, beaucoup de choses. Mais c’est aussi beaucoup de persévérance. Il faut se tromper pour pouvoir y arriver.
Quand est-ce qu’on trouve le temps de trouver les recettes ? De se dégager du temps pour faire autre chose que “ce qui est prévu” ? Tout simplement, c’est prévu. Aujourd’hui, on a un calendrier d’essais et c’est notre menu déjeuner. C’est notre base avancée d’essai. Chaque semaine, on crée 4 plats, avec une base solide. Mais le jeudi, les menus sont communiqués aux équipes qui commandent les produits, les essais sont faits le mardi et le mercredi. Ça passe en menu déjeuner le jeudi, on teste avec la clientèle. On a des retours, c’est bien, ce n’est pas bien, c’est super bien. De là, si c’est super bien ça va monter dans un menu dégustation, un menu signature. Si c’était qu’ok, on va ensuite le retravailler. Pas la semaine suivante, mais peut-être la semaine d’après en se disant “on a déjà avancé sur un bout du travail, la marinade était bien, le gel était bien, la cuisson était bien, mais il manquait le croquant, la présentation pouvait être mieux”. Et on va retravailler, et retravailler et retravailler.
On est pas tous les jours au meilleur de sa forme. Y a des jours où on a moins le temps, y a des jours où on est, en tant que cuisinier ou chef d’entreprise, accaparé par d’autres choses. Mais on peut avoir le risque de s’installer trop vite dans une certaine complaisance si on ne se force pas à la faire. Mais tout le travail qu’on va faire sur la cuisson de la meringue, sur trouver le produit, la pintade qu’on a à la carte cette semaine, avoir un bon produit. Tout ça, c’est des informations qu’on accumule. C’est de la base de données. C’est de la pratique pour nos cuisiniers et nos cuisinières. Demain, je leur redis “on refait de la pintade”, ils savent où la commander, on sait quel produit est bon et maintenant, on a plus qu’à retravailler les deux ou trois points qui permettraient peut-être pour ce plat de devenir meilleur. Donc, effectivement, on ne va pas créer un grand plat chaque semaine, on aimerait bien, mais on se force à au moins le mettre sur papier et à imaginer.
Maintenant le cercle des saisons, le cercle annuel, il est assez répétitif, donc on a des bases. L’année 1, c’est un petit peu n’importe quoi. L’année 2, c’est beaucoup mieux. L’année 3, on a des bases solides et on vient rajouter, un peu comme une lasagne, des couches dessus. L’année 4, on reprend ce qui avait bien marché, mais on l’améliore. Etc… Donc, forcément, l’expérience joue aussi un jeu dedans.
Mais on peut être inspiré par n’importe qui. J’ai été inspiré par des jeunes stagiaires, par plein de personnes, même des fois par des cuisiniers, une conversation à un café, un voyage. L’inspiration peut venir vraiment de n’importe où. Et tout le monde aujourd’hui s’inspire de tout le monde. Et c’est normal. C’est un peu le but du partage des connaissances. Et un des fondamentaux de notre métier, c’est la transmission. C’est inscrit dans nos gènes qu’on doit transmettre ce qu’on apprend.”
Écrit par Florence Dupin
Publié le 15 février 2023