Le porc noir gascon, génétiquement identique au porc noir de Bigorre, est une race rustique qui s’acclimate parfaitement à la vie en extérieur, et ce toute l’année. Porc à croissance lente, cette espèce a bien failli disparaître au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, jugée peu adaptée à l’élevage intensif pratiqué par l’industrie. Sauvée par une poignée d’Hommes engagés, elle revient sur le devant de la scène grâce à une cinquantaine d’éleveurs, dont Eric Caillard.
Une vie de fermier
Eric a toujours su qu’il voulait être paysan “travailler avec la nature, les pieds et les mains dans la terre était important pour moi. Ma grand-mère avait une propriété viticole que mon oncle exploitait. J’ai toujours grandi au milieu de la nature mais je ne voulais pas être éleveur” raconte Eric. Et pourtant ! Lorsque sa grand-mère décède, la famille est contrainte de vendre le domaine. Cela marquera un tournant dans la vie de notre éleveur. Il reprend alors ses recherches.
C’est l’annonce de Fabien Jouves, viticulteur en biodynamie à Cahors, qui le décide. “Fabien avait acheté 20 hectares de bois et cherchait quelqu’un pour élever des cochons. J’ai aimé sa philosophie, j’ai donc décidé de me lancer avec lui”. Aujourd’hui il loue 12 hectares au vigneron qu’il dédie, en partie, à ses porcs noirs. “ Le porc noir gascon est génétiquement le même que le porc noir de Bigorre” explique Eric, sauf que le Gascon évolue en dehors de l’appellation.
Les pieds dans la boue
Lors de ma venue Eric m’emmène faire un tour de l’exploitation. Il m’explique que sur ses terres pentues, au sol argilo-calcaire, parsemées d’arbres et de buissons, il dessine des parcours en couloir d’un hectare chacun. En haut de chacune de ces parcelles, il y installe une cabane en bois permettant à ses porcs de s’abriter, de s’abreuver et de s’alimenter en céréales. L’environnement est beau, paisible et bien entretenu. “Sur les 12 hectares que je loue à Fabien, j’en dédie 10 aux cochons et un à la ferme. Pour entretenir l’hectare restant j’ai 3 brebis, 1 chèvre et 2 poneys” me confie-t-il. C’est un gain de temps considérable.
La visite commence en grimpant la colline, pour aller voir la “nurserie”, ces terrains plats dédiés à la naissance et aux premières semaines des porcelets. Ici jonchent quelques cabanes en bois, chacune habitée par une mère et sa dizaine de petits. “Les porcelets naissent ici et restent avec leur mère pendant 8 semaines environ, avant d’être sevrés. Pour le moment j’achète une partie de mes porcelets à Isabelle Bonnefond (La Ferme du Roussel) car je voulais un élevage bio pour rester cohérent avec mes valeurs. Ils arrivent chez moi à 8 semaines” raconte-il. “J’ai eu mes premières naissances en novembre (2021) je devrais être autonome d’ici un an et demi”. 8 semaines, c’est le temps que passent les porcelets auprès de leur mère à téter.
Une fois sevrés, les porcelets sont positionnés en bas des parcours pour qu’ils grimpent s’abreuver dans les cabanes situées tout en haut, cela leur permet de s’exercer. Et l’exercice est primordial car il a un impact direct sur le goût, la qualité et la finesse du gras.
La visite se poursuit en longeant les cabanes. Il m’explique “je complète leur alimentation avec des céréales que je dépose chaque matin. Je leur donne notamment du son de blé de Philippe Guichard, surtout en fin d’engraissement, et de la drèche (résidu d’orge cuit) que je récupère d’une microbrasserie locale, Les acolytes.” Cela vient compléter leur alimentation naturelle composée de racines, glands, baies et vers de terre. “Comme ils n’ont pas d’anneau à leur groin ils peuvent facilement fouiller dans le sol” me raconte-il. Les porcs passent au total une quinzaine de mois sur ces terrains.
La terre est boueuse, les bottes s’enfoncent dans le sol. “Je pratique le pâturage tournant” me dit-il “qui permet à la terre de se régénérer naturellement”. C’est une manière de conserver la biodiversité, de permettre la régénération du sol et de respecter le vivant.
Soucieux du bien-être animal
Les cochons ne supportent pas les fortes chaleurs, Eric a donc mis en place un système pour les rafraîchir en période estivale. “Nous récupérons l’eau de pluie (l’hiver) grâce à des gouttières installées sur les cabanes qui alimentent les bauges l’été. Cela nous permet d’arroser les cochons quand il fait trop chaud car ils ne supportent pas les grosses chaleurs”.
De même, pour améliorer leur quotidien, comme quelques éleveurs bovins, Eric croit aux bienfaits de la musique. “J’ai mis des radios dans les cabanes où je diffuse de la musique classique. J’ai la sensation que ça les détend” me dit-il.
Enfin, nous savons que le cochon est un animal dont le rythme cardiaque s’accélère fortement lorsqu’il stresse, qu’il faut donc lui accorder du temps pour s’acclimater. Eric me dit “quelques jours avant de partir pour l’abattoir, je positionne mon camion en haut des parcours. J’y installe des céréales et de l’eau pour que les cochons se familiarisent doucement.” Puis un jour il referme le camion et part direction l’abattoir, situé à 45 minutes de la ferme. “Je travaille avec un abattoir certifié bio. Je dépose les cochons la veille, ils sont abattus dès le lendemain matin”.
Une viande fondante et savoureuse, fruit d’un travail bien fait
Une fois la visite terminée, place à la dégustation ! Un véritable régal, croyez nous ! Noëllie, l’épouse d’Eric, est présente. Tout comme lui, elle est engagée. Soucieux de la transmission, ils accueillent des groupes scolaires pour témoigner de leur métier. “Le patrimoine ce n’est pas que les bâtiments, c’est aussi ce que l’on mange” me dit-elle. Comme eux, nous croyons que l’avenir gastronomique de notre pays réside dans l’éducation de nos enfants. Témoigner de leur savoir-faire, partager leurs connaissances, leurs bonnes pratiques, faire découvrir leur race, leur élevage, leur métier c’est une manière d’éduquer les futures générations. Projet en construction (ils n’ont pour le moment accueilli que quelques groupes), vous devriez pouvoir aller visiter l’exploitation d’ici quelques mois. On vous en dira plus !
4 avril 2022 / Florence Dupin