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La truffe dite “du Périgord” concerne la truffe noire, qui porte le nom de Tuber Melanosporum, une variété présente dans différentes régions, notamment en Nouvelle-Aquitaine, et considérée comme une des meilleures, sinon la meilleure.
Alors pourquoi l’appellation “truffe du Périgord” s’est-elle imposée pour désigner la Tuber Melanosporum ? C’est grâce aux périgourdins qui ont eu la perspicacité, dès le XIXe siècle, d’utiliser la truffe dans leur cuisine régionale en ajoutant les mots “Périgueux”, “Périgord”, “périgourdine”… aux produits ou recettes à base de truffe. Ce nom s’est alors tout naturellement associé à la truffe noire, la Tuber Melanosporum !
La truffe est connue et appréciée depuis l’Antiquité. Les Grecs et les Romains lui prêtaient des vertus thérapeutiques et aphrodisiaques, et cette dernière caractéristique lui est toujours attribuée….
Elle est tombée dans l’oubli au Moyen-Âge, où l’on voyait en elle la manifestation du diable. Puis elle a connu, de nouveau, une grande vogue sous la Renaissance. François 1er, né à Cognac en Charente, s’en délectait en justifiant ses excès par les vertus que lui attribuait son médecin.
Après un nouvel oubli, la truffe revient en force sous Louis XIV. Dès lors, son règne n’a fait que s’affirmer.
La truffe en Nouvelle-Aquitaine
Au début du XIXe siècle, le commerce des truffes est très actif en Charente, notamment à Angoulême et Barbezieux, réputée pour ses célèbres chapons truffés tant appréciés de Brillat-Savarin qui avait donné à la truffe le surnom de « diamant noir » de la cuisine.
Outre Angoulême et Barbezieux, les marchés truffiers de Ruffec et Montbron étaient à leur apogée et si des truffières ont été plantées à cette époque en Charente, la maîtrise des techniques de culture était assez imprécise et empirique.
La production totale nationale représentait, au XIXe siècle, environ 1500 tonnes de truffes chaque année et les Charentes occupaient alors la quatrième place nationale (la Dordogne venant en tête) avec plus de 50 tonnes par an… à comparer avec la production nationale actuelle qui est proche des 40 tonnes !
Le « diamant noir » figurait sur les grandes tables de l’Empire, dont Brillat-Savarin était un hôte régulier.
La truffe en cuisine
Sous l’Empire, la truffe est également couramment utilisée pour parfumer les terrines et pâtés de foie gras, pâtés de volaille et de gibier, chapons. La région charentaises en est grande productrice à cette époque.
Un témoignage nous reste de Casanova qui, en route pour l’Espagne et faisant étape à Angoulême, écrit dans ses mémoires “Histoire de ma vie” qu’il se délectait des pâtés de foies gras préparés par Noël. Ce pâtissier renommé installé à Angoulême était le père de son ami André Noël, cuisinier de Frédéric II de Prusse.
Un autre pâté servi sur les tables de l’Empire, particulièrement recherché, était le pâté de Nérac, préparé dans le Périgord. C’est un pâté de perdrix garni de truffes. Ce pâté de Nérac était cependant soumis à la concurrence et un peu plus tard, c’est un certain Jean-Baptiste Thorel, installé à Ruffec en Charente, qui réalise des pâtés de foie gras et gibier truffés dans son Hôtel de la Poste (qui prendra ensuite le nom de Grand Hôtel de France jusqu’à sa fermeture à la fin des années 1960). Grâce à lui, les pâtés de perdreaux et de perdrix truffés de Ruffec ont marqué les grandes tables de la Cour Impériale.
La truffe aujourd’hui
La tradition truffière régionale s’est perpétuée au XXe siècle, mais à moindre échelle. En cause notamment, des années de guerre qui ont contribué à un déclin sensible de la production.
C’est à la fin du XXe siècle (dans les années 80) qu’il y eut une reprise des plantations de truffières, bien organisées cette fois et si la production se comptait plus en kilos qu’en tonnes à la fin du XXe siècle, elle retrouve la tonne au début du XXIe en Charente et Charente-Maritime.
Aujourd’hui en Nouvelle Aquitaine, 8 départements sont producteurs de truffes : la Dordogne, les 4 départements du Poitou-Charentes (Charente, Charente Maritime, Deux-Sèvres et Vienne), la Corrèze, le Lot-et-Garonne, la Gironde. Le Poitou-Charentes a souvent la plus forte production de truffes, avec environ 4 tonnes. Ses sols sont particulièrement propices à la culture de la truffe (sols calcaires et argilo-calcaires). Selon les années, le Périgord en produit 2 à 5 tonnes.
Un avenir prometteur pour la truffe, dont on peut espérer que la production retrouvera son niveau du XIXe siècle !
1er décembre 2021 par Françoise Barbin-Lecrevisse
Photo : Erwan Balança