Des huîtres creuses naturelles, c’est-à-dire des huîtres qui naissent et grandissent dans le bassin, c’est ce que proposent Patrice et Jérôme. Des huîtres au délicieux goût iodé, des petits bonbons de la mer dont on se régale tous les hivers.
Seuls au milieu de l’eau
Patrice et Jérôme, le père et le fils, travaillent ensemble depuis maintenant 2 ans. “J’ai rejoint mon père juste avant le 1er confinement (en mars 2020)” précise Jérôme. C’est par pure passion que Patrice s’est lancé, très jeune, dans l’ostréiculture. Jérôme, quant à lui, a baigné dans le milieu depuis son plus jeune âge “mon père nous emmenait à la cabane avec ma soeur et on jouait, les pieds dans l’eau. Je voulais être mécanicien naval mais je suis heureux d’être là”.
Cheveux mi-longs blondis par le soleil, peau halée, Jérôme passe une grande partie de son temps en mer. Et c’est peu de le dire car à chaque sortie ce sont 5 heures qu’il passe sur son bateau, seul, au milieu du bassin. “Je pars 3h après la pleine mer et rentre 2h à 2h30 après la basse mer” précise-t-il. Seul sur son bateau, il apprécie, tout comme son père, ces moments de solitude, de calme absolu, de plénitude. Quoi qu’en été, lorsque les bateaux de plaisance sont de sortie, l’ambiance n’est plus si calme, pour eux, mais aussi pour leurs huîtres…
Sauve qui peut !
Car les huîtres dérangées par le bruit des moteurs avoisinants leur rappellent le danger. Pour se protéger de leurs prédateurs (dorade, bigorneaux-perceurs et étoiles de mer), elles se referment stoppant net leur alimentation (elles ont besoin d’ouvrir leur coquille pour capter le phytoplancton). “Si les bâteaux passent en continu, elles ne se ré-ouvrent pas, mangent moins et grossissent moins vite. Parfois elles n’ont pas assez de réserve et meurent” précise Jérôme.
Ah non, pas de labo !
Installés sur l’un des 7 ports ostréicoles de Gujan Mestras, ils élèvent des huîtres naturelles. Naturelles vous dites ? Ce sont des huîtres diploïdes (disposant de deux chromosomes) qui existent naturellement dans la nature contrairement aux triploïdes (trois chromosomes), huîtres stériles peu présentes dans la nature et donc surtout élevées en labo. Quand l’huître naturelle commence sa reproduction lorsque la température de l’eau se réchauffe (à l’approche de l’été sur nos côtes), la triploïde, elle, ne sera jamais laiteuse puisqu’elle ne se reproduit pas ! Vous suivez ?
Dans un coin de mer, près des cabanes tchanquées, autrefois habitées par les gardes côtiers, père et fils récupèrent les larves des huîtres avoisinantes qu’ils aideront à grandir, au calme, pendant près de deux ans. Leur intervention est minime et se résume à s’assurer que le croissance se passe sereinement dans ce coin du bassin moins brassé par les vagues.
Après 24 mois (ou presque) les huîtres, plus si petites, sont transférées dans un autre lieu du bassin plus inaccessible pour les touristes avides de les dérober lors de leur passage. Disposées dans des poches, elles sont posées à plat sur des bancs en fer légèrement en hauteur afin de les protéger des étoiles de mer. “Je reviens retourner les poches régulièrement pour ne pas que les algues s’accumulent” explique Jérôme. C’est un travail fastidieux et surtout chronophage.
“On essaie donc une nouvelle méthode, on accroche nos huîtres à des cordes qu’on suspend horizontalement. Elles suivent le mouvement des vagues, sans s’entrechoquer. C’est une méthode plus douce utilisée par les ostréiculteurs de l’étang de Thau, sauf qu’eux les suspendent à la verticale” Le constat ? “Elles grandissent plus vite, demandent moins d’entretien, son charnue et leur goût est incroyable, on va donc essayer sur une plus grande quantité.”
Le terroir n’est pas que dans le vin
Que vous consommez des huîtres bretonnes, des Marennes-Oléron, des huîtres du Bassin d’Arcachon, du Banc d’Arguin… toutes (ou presque) sont des huîtres creuses. Ce qui confère leur goût unique provient de l’eau et plus précisément de la quantité d’eau douce, du courant, de leur alimentation et des méthodes d’élevage. Finalement on peut parler de terroir.
Alors certes si vous n’aimez pas les huîtres laiteuses vous vous priverez de ces mollusques aux saveurs iodées pendant quelques mois (les mois les plus chauds), mais quoi de mieux que de savourer ce que nous offre la nature à l’état brut ?
23 novembre 2021 / Florence Dupin