“C’est compliqué d’établir et de prédéfinir une cuisine quand on vient d’ouvrir un restaurant surtout que je suis jeune. Je m’oriente un peu plus vers une cuisine végétale parce que je valorise les producteurs et les maraîchers avec qui je travaille principalement. Je ne bannis pas les protéines animales du restaurant ni de la carte.
Je travaille principalement des produits d’eau douce parce qu’on n’a pas la mer à côté du restaurant, forcément. C’est vrai qu’au début, à l’ouverture du restaurant, je travaillais les produits de la mer, mais petit à petit, je n’ai pas trouvé de sens à valoriser les produits de la mer étant donné qu’elle n’est pas autour de nous, comme tout un tas d’autres produits. Les produits d’eau douce naturellement, je m’oriente vers ça. On a la truite de la pisciculture du Ciron que j’utilise, l’esturgeon entier du Domaine de Neuvic. Là, il y a toute la saison des étangs qui va démarrer donc on va pouvoir utiliser aussi tout ce qui est carpe, sandre, brochet, les écrevisses aussi si on en trouve.
J’utilise la protéine animale, mais plus comme un condiment, du moins qui s’efface gentiment derrière un légume entre guillemets parce que je prends tout autant de plaisir à cuisiner avec des végétaux qu’avec un morceau de viande. On va dire qu’à 85 % – 90 % je m’alimente à moins de 50km du restaurant. Donc c’est une cuisine qui évolue dans l’air du temps, qui valorise entièrement et à 200 % les producteurs locaux, qui s’axe tranquillement vers une cuisine végétale petit à petit.”
L’envie de faire ton potager ? “Ça, c’est déjà par passion parce que j’adore cultiver les petites pousses, les petites herbes aromatiques, j’ai un peu la main verte donc ça fonctionne en tout cas. Et je me suis amusé pendant les travaux du restaurant à construire deux gros bacs où maintenant, j’y cultive tout ce qui est plantes aromatiques, herbes et fleurs comestibles que j’utilise entièrement pour le restaurant.
J’adore travailler les végétaux. L’infusion en huile, en gel, tout ce qui est herbacé, etc. J’ai eu la chance de pouvoir voyager au Japon, j’ai fait tout le tour du Japon en sac à dos. Un billet aller et pas de billet retour. Donc j’ai pu aller où je voulais, faire ce que je voulais, visiter. Et justement, l’ancien chef avec qui je travaillais, Jacky Ribault, a une cuisine, pas franco-japonaise, mais il utilise des condiments et des techniques japonaises dans l’assaisonnement, que je retrouve naturellement dans ma cuisine aujourd’hui. Des associations, des petites touches asiatiques que j’aime bien, c’est un peu différent de ce qu’on connaît de la cuisine française, et ça vient sublimer des techniques qu’on utilise nous tous les jours.
Par exemple, là, en ce moment, j’adore et je suis dessus, sur la prune fermentée, la prune umeboshi. Donc je la fais importer du Japon directement par une coopérative qui regroupe plein de producteurs locaux, mais au Japon, qui travaillent d’une super manière. Donc on sait comment c’est fait, par qui c’est fait exactement. Et donc en ce moment la prune, je la reçois entière, elle est fermentée et en vinaigre. C’est ce que j’utilise en ce moment sur la garniture viande, du moins ce midi. Si je le fais encore demain ou pas, on verra. Mais voilà, j’utilise une garniture autour de la patate douce, de la prune fermentée en fraîche et en vinaigre.”
S’adapter aux récoltes des producteurs : “C’est sportif. En général, je fais une ou deux livraisons par semaine. Mais parfois, dans la livraison des légumes, je ne peux pas tenir toute la semaine donc il faut que je switch la garniture d’un coup parfois du midi pour le soir. Parfois, j’arrive à garder la même garniture sur deux ou trois jours. Sur de la viande, ça va m’arriver de cuire la viande d’une manière le midi, le soir ça sera la même viande, mais je vais la cuire différemment. Un coup au barbecue, un coup rôtie, selon les types de viande de c’est. C’est en perpétuelle évolution. J’ai une base de menu sur une semaine. Il y a 50 % d’un menu fixe, mais on pivote autour de tout ça en changeant tout ce qui est condiments, garniture, parfum de la sauce, mode de cuisson. J’ai la chance d’avoir un Chef de partie, Jean, avec qui je travaille depuis quasiment 3 ans, parce que c’était mon apprenti que j’ai formé à l’Ours. Et quand je lui ai parlé de l’ouverture du restaurant ici, il a absolument adhéré au projet, donc il a suivi. Il sait comment je travaille, il connaît ma cuisine, il connaît mes attentes, et moi, je sais de quoi il est capable par la suite donc c’est agréable de l’avoir.”
Ton ambition pour les prochaines années ? “Déjà viabiliser le restaurant et puis on a des ambitions, mais c’est plus des envies qu’un but. Pour l’instant une étoile Michelin pourquoi pas. J’ai eu la chance de pouvoir voir ce que ça donnait sur une ouverture. Je travaille de la même manière ici que celle qu’on a bossé à l’Ours. Pour l’obtenir en tout cas. Après, j’ai déjà la chance d’avoir le Gault et Millau qui m’a suivi via la dotation Jeune Talent. On sait qu’on a un suivi dans le temps avec eux donc ça met directement les deux pieds dedans. L’idée, c’est d’être un peu plus ambitieux dans le temps. Mais pour l’instant, on va y aller tranquillement et en tout cas, on bosse d’une manière qui, pour moi, est très cool pour l’instant.”
Écrit par Florence Dupin
Publié le 20 novembre2022