Anciens archéologues, Eric et Argitxu se sont lancés dans la production de safran et de miel il y a maintenant 5 ans (2016). Ils achètent alors des terres sur le flanc méridional de l’Ahize Mendi à Ossès, dans les Pyrénées-Atlantiques, pour y planter 1500m2 de Crocus Sativus, les fleurs de safran. Et ce n’est pas leur unique spécialité.
Du soleil s’il vous plaît !
Alsacien, Eric a rencontré Argixtu dans le Pays-Basque lors d’un chantier de fouille, il y a quelques années. “Il n’est jamais reparti” raconte Argixtu en souriant. Saltus est un clin d’œil à leur ancienne profession commune. “Les romains divisaient les terres en trois parties, l’ager était les terres cultivées, la silva la forêt et le saltus était tout le reste, c’est-à-dire ni les terres cultivées, ni les forêts. Un peu comme ici” précise Argixtu.
Ils ne connaissaient ni le safran, ni le miel, ils se sont pourtant lancés dans un projet d’envergure. Leurs connaissances, ils les ont développées en lisant, en testant et en échangeant avec des spécialistes. Aujourd’hui, “Eric s’occupe des abeilles, moi des végétaux” précise Argitxu.
Leur force ? Leur complémentarité.
Respiration du matin
Jusqu’à la Première Guerre Mondiale, la France était un gros producteur de safran. Mais la guerre, en décimant les populations des campagnes et des montagnes, a détruit la main-d’œuvre, empêchant de poursuivre le travail manuel exigé par cette petite fleur violette. Les plantations ont progressivement disparu. “On est parti des traités qui datent du XIXe siècle et on a suivi les méthodes de plantation, les rendements… À l’époque, tout était fait à la main. On a voulu faire pareil” raconte Argixtu.
Pour pousser, les Crocus Sativus sont exigeants. Ils requièrent deux conditions : un sol drainant (les sols calcaires sont idéaux) et des écarts de température importants en période automnale (entre jour et nuit). Sur les terres de Saltus, le sol argilo-calcaire, l’inclinaison du terrain et l’orientation plein sud offrent un cadre idéal au safran.
“Les bulbes s’enracinent en septembre et poussent en octobre. Dès que la floraison est terminée le Crocus Sativus va faire des feuilles, faire des feuilles, faire des feuilles… tout l’hiver. C’est à ce moment là que les bulbies* arrivent. Puis, au printemps, tout fane, mais les bulbies continuent de se développer. L’été, elles se mettent en dormance et se réveillent quand il fait froid la nuit et chaud la journée, en automne. La floraison dure un mois. On récolte jusqu’à fin novembre selon les années.” Cueillies lorsque la fleur est fermée pour ne pas abîmer les pistils, la récolte a lieu le matin, avant le lever du soleil. “On n’arrive pas à savoir quand est-ce que les fleurs vont sortir. Il faut aller voir, chaque matin. Parfois, la veille on aperçoit des pousses et on se dit que les fleurs auront poussé le lendemain matin, et le lendemain il n’y a rien. Et parfois on ne voit aucune pousse la veille et pourtant le lendemain matin on retrouve plein de fleurs.”
Une fois les fleurs récoltées, manuellement, les pistils sont mis à sécher soit naturellement, soit dans un petit four électrique à une trentaine de degrés. Le séchage dépend de l’humidité extérieure et peut durer 1 heure comme 5 heures.
Enterrées à 20 centimètres de la surface les bulbes mères fabriquent, en moyenne, 3 bulbes. Chaque bulbe produit, en moyenne, 3 fleurs. Chaque fleur contient 3 pistils. Il faut, environ, 150 fleurs, soit 450 pistils, pour faire 1g de safran. Le travail est minutieux.
Or rouge tant convoité et pourtant si peu utilisé, le safran a longtemps été boudé par les français jugé trop onéreux. Pourtant 0,1gr de safran suffit à raviver le plat pour 6 convives, encore faut-il que celui-ci soit pur et de qualité.
Aïe elles piquent !
En complément du safran, Argixtu et Eric élèvent des abeilles noires. Ces abeilles, rustiques et agressives, sont typiques de la région. “On dit qu’elles sont susceptibles” raconte Argixtu. “Mais nous sommes complètement autonomes, ce qui veut dire que nous n’achetons pas nos reines. On laisse nos abeilles se reproduire. Du coup on sélectionne les souches douces : les reines les moins agressives feront des petites reines qui créeront une nouvelle colonie”.
Avec leurs 200 ruches (nombre minimum pour être apiculteur professionnel), Argixtu et Eric proposent 7 miels différents : du miel d’acacia, du miel de printemps, mélange de fleurs sauvages (lorsque les abeilles butinent le nectar des cerisiers en fleurs, le miel se teinte d’une jolie couleur rosée), du miel de montagne dans lequel on retrouve de la bruyère, des ronces et du châtaignier, du miel Bords de Nives, mélange de fleurs sauvages du coin, du miel de bruyère, du miel de châtaignier et du miel de tilleul et fleurs de printemps (retrouvez leurs miels sur leur boutique en ligne).
“Quand un consommateur ouvre un pot, on a envie que le miel ait le même goût que lorsqu’on le goûte dans la ruche. Il faut donc intervenir le moins possible” précise Argixtu. Leur miel est filtré puis mis dans des maturateurs afin de faire remonter les impuretés à la surface. Quelques jours plus tard il est soutiré par le bas, donc sans nécessité de manipulation.
Patience patience !
“Je voulais des truffes” raconte Argixtu. En 2019 ils ont donc planté 200 arbres (du chêne pubescent, du chêne vert et du noisetier) qui produiront les premières truffes en 2023. Il faudra être un peu patient avant de pouvoir découvrir leurs délicieux champignons. Mais ne vous inquiétez pas nous serons là pour vous faire goûter leurs trouvailles !
Voici une rencontre haute en couleur avec un couple passionnant et passionné. Avec eux vous pourrez découvrir les merveilles que nous offre leur région. Alors laissez-vous porter au cœur des montagnes basques.
*bulbies : Nom inventé faisant référence aux petites bulbes créées par les bulbes mères
23 novembre 2021 / Florence Dupin